MON PIANO NOIR

 

Est-ce toi, la femme dans ce jardin ?
Est-ce moi qui ce soir encor prendrai le train ?
Est-ce toi qui as des enfants et des chiens ?
Est-ce moi, celle qui toujours choisit son chemin ?
A l'école, on s' donnait la main

En ce temps-là, nous chantions les mêmes chansons
En ce temps-là, nous parlions des mêmes garçons
Et nous rêvions alors de tout avoir
Tu as une maison et moi un piano noir

Est-ce à toi cet amour sous le mûrier ?
Est-ce à moi de n'avoir que le temps d'y penser ?
Est-ce à toi les saisons à savourer ?
Est-ce à moi les platanes que je vois défiler ?
A l'école, on nous confondait

Au cinéma, nous pleurions aux mêmes moments
Dans les cafés, nos ambitions changeaient tout le temps
Et nous rêvions alors de tout avoir
Tu as un amour et moi un piano noir

Pense à moi si tu éprouves un regret
Comme à toi, le bonheur ne m'a pas tout donné
Toi, tu vis toujours au même midi
Moi, je vis quand s'allument les lumières dans la nuit
Et pourtant, parfois on s'écrit

Toi, tu m'envoies quatre pages avec des photos
Moi, je t'envoie une carte postale en trois mots
Et tu retournes alors à ton histoire
Et je retrouve alors mon piano noir

 

 

L’ŒUF

 

Depuis quelques années
Seule et sans compagnon
J'habite la forêt
Noire au fond du vallon
Et hier m'est arrivé
Quelque chose de neuf
Je suis miraculée
Car j'ai pondu... un oeuf, un oeuf

On va dire que je suis une poule
J'en frémis d'effroi
Simplement je me défoule
Tout au fond des bois

Aussitôt la nouvelle
En ville répandue
M'a changé de pucelle
En volaille perdue
Et malgré les regards
Derrière chaque œil-de-bœuf
Je suis allée hier soir
Faire baptiser mon œuf, mon œuf

Vite j'avale un lait de poule
Pour me donner du cœur
J'ai peur d'être ridicule
Tant qu'il sera mineur

Mais voilà que le prêtre
Au lieu de le bénir
Tente de me soumettre
Aux lois de son désir
Voulant m'explique-t-il
Connaître un plaisir neuf
Et se mettre en civil
Pour me faire un autre œuf, un œuf

Il me change viens poupoule
En jetant son froc
Dieu j'en ai la chair de poule
C'est un fameux coq

Maintenant les gens nous aiment
Ils ont très bien admis
Que nous cassions la graine
Dans notre petit nid
Depuis que de l'église
Mon coq est devenu veuf
C'est comme une hantise
Je ferais de l’œil à un bœuf, un bœuf

Bien souvent poule varie
Tant pis pour le coq
Je vais faire cuire au bain-Marie
Mes œufs à la coque

 

 

CES LETTRES AUXQUELLES ON NE RÉPOND PAS

 

Où vont toutes ces lettres d'amour ?
Où vont toutes ces lettres d'amour, chaque jour ?
Ces lettres auxquelles on ne répond pas
Ces lettres auxquelles on ne répond pas quelquefois

Ma lettre disait nos promenades
Les lumières dansant sur la rade
Du temps où nous étions camarades, rien de plus
J'espère au moins que tu l'as reçue

Je ne puis pas croire que tu ne m'aies pas répondu
J'ai dû me tromper d'adresse
Ma lettre trop lourde a dû être mise au rebut
Et tu t'inquiètes peut-être

Où vont toutes ces lettres d'amour ?
Où vont toutes ces lettres d'amour, chaque jour ?
Ces lettres auxquelles on ne répond pas
Ces lettres auxquelles on ne répond pas quelquefois

Ma lettre disait nos découvertes
D'enfants qui croient aux îles désertes
De l'époque où rien n'avait changé dans ma vie
J'espère au moins que tu l'as compris

Il y a du retard, cette grève n'en finit plus
Bien sûr, y a les télégrammes
Si tu recevais du papier bleu, qu'en dirais-tu ?
Que je fais toujours des drames

Où vont toutes ces lettres d'amour ?
Où vont toutes ces lettres d'amour, chaque jour ?
Ces lettres auxquelles on ne répond pas
Ces lettres auxquelles on ne répond pas quelquefois

Mais ma lettre a su rester discrète
Si toutes les lettres s'interprètent
Mes phrases disaient mon affection, rien que ça
J'espère un jour que tu comprendras

 

L'HOMME QUE JE N'AIME PLUS

 

Il met ses mains pour me cacher mon visage,
Tout simplement, parce que j'ai peur de l'orage
Tellement il pense à moi,
L'homme que ne j'aime plus.

Il ne sait vivre que l'amour idéal,
Du fond du coeur, et tant pis si ça fait mal,
Jusqu'à l'issue fatale,
L'homme que je n'aime plus.

Les sentiments, c'est parfois dur à saisir.
On a beau faire, on ne peut pas les choisir.
Ça vient comme le feu et ça part en cendres.

Je me dis souvent qu'il faudrait en finir
Mais je n'ai même pas la moindre envie de partir
Quand j'imagine la peine qu'il en pourrait prendre.

Avec des yeux à tutoyer les nuages,
Comme un enfant qui partirait en voyage,
S'endort autour de moi
L'homme que je n'aime plus.

C'est une histoire à faire pleurer les étoiles.
Je sais qu'un jour, il lui semblera banal
D'y mettre un point final,
L'homme que je n'aime plus.

Les sentiments, c'est parfois dur à saisir.
On a beau faire, on ne peut pas les choisir.
Ça vient comme le feu et ça part en cendres.

Je me dis souvent qu'il faudrait en finir
Mais je n'ai même pas la moindre envie de partir
Quand j'imagine la peine qu'il en pourrait prendre.

Les sentiments, c'est parfois dur à saisir.
On a beau faire, on ne peut pas les choisir.
C'est comme le ciel bleu: y'a rien à comprendre...

 

 

IL N'Y A JAMAIS DE HASARD

 

Il n'y a jamais de hasard
Même si c'était un peu tard
Tu es entré dans ma maison
Je t'ai reconnu un soir
Au fond de la lune noire
J'ai reconnu nos émotions
Il n'y avait plus qu'à y croire
Je t'ai invité à boire
Un filtre d'amour de passion
J'ai senti monté l'espoir
J'avais du mal à pouvoir
Tenir la conversation
Je nous voyais dans le noir
Pour le plus doux des abandons

C'était comme une évidence
Ce moment trouble et intense
Juste au bord de la perfection
Ne pas freiner l'attirance
Qui m'envahit et je pense
Pourquoi cette fascination
Ce goût de la défaillance
Serait-ce une renaissance
Je me perds dans trop de questions
Je parlais en abondance
De tout de rien dans un sens
Je voulais faire diversion
Pour alléger tes défenses
Tout pour alléger nos tensions

Je sentais flotter dans l'air
Un parfum lourd et pervers
J'attendais une conclusion
Le besoin d'être sincère
D'aller tout doucement vers
La vérité sans traduction
Alors tu as bu ton verre
D'un trait tu as découvert
Le feu de la situation
Y'avait une autre lumière
Dans tes yeux du bleu du vert
À en perdre la raison
Et c'est ce qu'on a su faire
Point d'orgue sur la partition

Il n'y a jamais de hasard...

 

 

LA BIAISEUSE

 

Je suis biaiseuse chez Paquin
Pour mon métier j'ai le béguin
Les veillées c'est tout mon bonheur
Je suis pas pour la journée d'huit heures
Et le travail de nuit me fait pas peur
Avec ardeur avec entrain
Je biaise du soir au matin
Quand mes parents me voient pas rentrer
Y disent y'a pas à s'inquiéter
Elle est encore en train de biaiser

Dans les grandes maisons de couture
Y'en a qui sont trottins
Y'a des vendeuses et par nature
Y'en a qui sont mannequins
Y'en a qui font des corsages
D'autres qui font des surjets
Moi Mesdames Messieurs mon ouvrage
C'est de faire des robes en biais
Pour bien biaiser une robe ma fois
Y'en a pas deux, pas deux comme moi

Je suis biaiseuse chez Paquin
Pour mon métier j'ai le béguin
Les veillées c'est tout mon bonheur
Je suis pas pour la journée d'huit heures
Et le travail de nuit me fait pas peur
Avec ardeur avec entrain
je biaise du soir au matin
Quand mes parents me voient pas rentrer
Y disent y'a pas à s'inquiéter
Elle est encore en train de biaiser

Je vais m'établir bien vite
Me marier quel bonheur
Avec un garçon plein de mérite
Qu'y est ouvrier plisseur
Pour nous installer à l'aise
Comme n'avons pas le sou
Je biaiserai d'abord sur une chaise
Et lui plissera tout de bout
L'essentiel c'est qu'y ait pas de retard
Qu'on dise pas que je biaise en canard

Je suis biaiseuse chez Paquin
Pour mon métier j'ai le béguin
C'est ça qui sera gentil ma foi
On fera tout l'ouvrage chez soi
En s'entraidant comme chacun le doit
Avec ardeur avec entrain
On se partagera le turbin
Afin de ne pas nous esquinter
Lorsque j'aurai fini de biaiser
C'est lui qui se mettra à plisser

 

 

LE MENU

 

En mangeant du canard à l'orange
Tu ne penses qu'à moi mon ange
En mangeant de la poule au citron
Tu ne penses qu'à mon giron
En mangeant de la tarte aux pruneaux
Tu ne penses qu'à mon sein chaud
En mangeant de la tarte au riz
Tu ne penses qu'à mon petit nid
Bliblibli bliblibli

En mangeant de la pâte à cuire
Tu ne penses qu'à me séduire
En mangeant du St-Honoré
Tu ne penses qu'à m'honorer
En mangeant de la tarte aux poires
Tu ne penses qu'à me boire
En mangeant des pralinés
Tu ne penses qu'à m'aimer
À m'aimer à m'aimer à m'aimer...

En mangeant de la flûte en tresse
Tu ne penses qu'à mes caresses
En mangeant de la morue
Tu ne penses qu'à mon...
Lulululululu... lu lu!