JARDIN SECRET
    Par un
    après-midi d'été chaud
    très chaud, légèrement parfumé
    J'allais rêvant
    Sous le ciel de Juillet, oh
    Comme était doux
    Le grand vent dans les peupliers
    
    Il faut vous dire
    Que j'venais de tuer mon
    mari, sa sœur et la mémé
    Vous pensez bien
    Qu'il fallut nettoyer
    Mon living, la cuisine à fond,
    la salle à manger
    
    J'avais
    Et vous le comprenez bien
    besoin de respirer un peu
    après
    tous les efforts du matin
    quand je les eu coupés en
    2 en 3 en 4 en 5
    
    Soudain
    vint à moi cette idée, ah
    d'occire avant la mi-journée
    ce cher voisin
    qui avait regardé la
    scène de son jardin
    les yeux grands écarquillés
    
    J'étais contente et bien débarrassée
    Des morceaux, six brouettes en entier
    Planqués sous les rosiers
    
    Depuis, on, vient du monde entier, ah
    Voir mes splendides roseraies
    Au parfum si
    Rare et particulier, ah
    Jamais je ne dévoilerai mon doux secret
    Ah
    Jamais je ne dévoilerai mon doux secret.
COMME LES PRINCES TRAVESTIS
    Comme les princes travestis
    Je m'habille de confettis
    De confettis
    De loin mes contours sont précis
    De près s'estompe le tableau
    Je suis le masque et la peau
    
    Suis-je Pierrot ou Colombine
    Suis-je Colombine ou Pierrot
    L'incertitude qui me mine
    Je m'en moque dans les bistros
    Et quand ma musique s'affine
    Exprès je la chante un peu faux
    Sous ma vivacité latine
    Je cache un cœur presque mélo
    Presque mélo
    
    Toujours les miroirs m'ont trahi
    Comme les princes travestis
    Travestis
    Quand les bals s'éteignaient en pluie
    Les rires sous les dominos
    J'étais le masque et la peau
    
    Suis-je Pierrot ou Colombine
    Suis-je Colombine ou Pierrot
    Mon cœur est pure comme l'hermine
    Mais mon corps. il faut ce qu'il faut
    J'ai rêvé d'amours platoniques
    Dans des poèmes sans défaut
    Et j'en ai ri d'un air critique
    En les salissant de gros mots
    De gros mots
    
    Toujours vêtue de confettis
    Sans savoir jamais qui je suis
    Qui je suis
    Mon visage reste imprécis
    Et sous les cyprès du jardin
    Un masque est mort ce matin
TU M'CHAVIRES
    Tu m' chavires, tu m'attires, je te veux
    Tu m' chamboules, je m'enroule, y a pas mieux
    Tu m'emballes, j' me déballe sous tes doigts
    Je frissonne, m'abandonne dans tes bras
    
    Tu m' renverses, tu m'inverses, c'est géant
    Tu m'implores, tu m'explores, c'est gênant
    Tu m'allumes, j' me consume, j' suis dans tous mes états
    L'effet que ça m' fait, ces jeux-là !
    
    L'amour ça va, l'amour ça vient
    Chaque fois qu' ça r'part, ça revient
    Ça fait du mal, ça fait du bien
    C'est animal mais c'est bien
    
    Tu m'éclates, tu m'épates, c'est bien toi
    Tu m'inspires, je transpire, j' suis plus moi
    Tu m'impliques, tu m'expliques, je comprends
    Tu compliques, je panique, tu reprends
    
    J' te supplie, j' me déplie, tu t' déploies
    Tu m'imploses, tu m'exploses, quel exploit !
    Je m'applique, tu m'appliques tout le Kama-Sutra
    Tu m'honores, je m'endors, tu r'mets ça !
    
    L'amour ça va, l'amour ça vient
    Chaque fois qu' ça r'part, ça revient
    Ça fait du mal, ça fait du bien
    C'est animal mais c'est bien
    
    Tu inventes, tu te vantes, j'en ai marre !
    J'overdose, c'est morose le plumard
    Tu insistes, j' me désiste, j'ai tout vu
    Tu m'ennuies, tu me nuis, j' te salue
    
    T'es parti, je pâlis, t'es pas là
    J' t'aime encore, j' veux ton corps, reprends-moi !
    J' suis tout' nue, t'es r'venu, t'es tout nu
    J'en r'viens pas, je rêvais de sauter un repas
    
    J' suis toute nue, t'es r'venu, t'es tout nu
    J'en r'viens pas, l'effet que ça m' fait, ces jeux-là !
    L'effet que ça m' fait...
    L'effet que ça m' fait, ces jeux-là !
JERSEY GUERNESEY
    Tu as fait ta vie à Guernesey
    Je mélancolise à Jersey
    Entre les deux y'a le passé
    Que l'on ne peut pas effacer
    
    Jersey Guernesey
    Vous n'étiez qu'une île dans notre passé
    Jersey Guernesey
    Pourquoi vous êtes-vous un jour séparés
    Je suis sûre que vous, que vous en souffrez
    
    Notre amour un jour a pris mal
    Au fond de son berceau de cristal
    Tu l'as soigné à Guernesey
    Je n'ai pas guéri à Jersey
    
    Jersey Guernesey
    Vous n'étiez qu'une île dans notre passé
    Jersey Guernesey
    Pourquoi vous êtes-vous un jour séparés
    Je suis sûre que vous, que vous en souffrez
    
    Je ne t'attends plus il est trop tard
    Pour dévier le cours de l'histoire
    Tes fils grandissent à Guernesey
    Le jour diminue à Jersey
    
    Jersey Guernesey
    Vous n'étiez qu'une île dans notre passé
    Jersey Guernesey
    Pourquoi vous êtes-vous un jour séparés
    Je suis sûre que vous, que vous en souffrez
MANTEAU ROUGE ET GANTS BLANCS
(La femme du square)
    Il y avait un square devant chez nous
    Plein de fleurs et d'enfants.
    C'est là qu'elle passait des heures
    Toute seule installée sur un banc,
    Toujours le même, le même.
    Il y avait un square devant chez nous,
    On l'y voyait souvent
    
    Elle avait trente ans sans avoir d'âge,
    Elle portait des gants blancs.
    Son manteau rouge et ses pieds nus
    Faisaient rire les enfants,
    Toujours les mêmes, les mêmes
    Elle avait trente ans sans avoir d'âge,
    Elle en avait vu tant.
    
    Nous, on l'appelait la réfugiée de Kiev.
    Nous, on l'appelait la duchesse SDF.
    SDF..
    
    Elle avait dû fuir son pays mort
    Dans la haine et le sang.
    Combien de bateaux, de trains de nuit,
    De regards humiliants,
    Toujours les mêmes, les mêmes.
    Elle avait dû fuir son pays mort,
    Disait-elle aux passants
    
    Une nuit d'été dans notre square,
    Il y eut un incident.
    On a retrouvé son manteau rouge
    Déchiré sur un banc,
    Toujours le même, le même.
    Une nuit d'été dans notre square,
    Il a coulé du sang
    
    On n'a plus revu la réfugiée de Kiev.
    Qui pense encore à la duchesse SDF?
    SDF..
    
    Que s'est-il passé, on n'a pas su
    Nous dormions insouciants.
    Une histoire d'amour et de misère,
    Un fait divers troublant,
    Toujours le même, le même.
    
    Qui a fait du mal à l'inconnue
    Manteau rouge et gants blancs?
    Qui a fait du mal à l'inconnue
    Manteau rouge et gants blancs?
LA PETITE ÉCRITURE GRISE
    Elle est morte la voisine
    Dans sa modeste cuisine
    Impeccablement cirée
    On la connaissait très bien
    On le supposait du moins
    Lorsque l'on a retrouvé
    
    Dans un vieux cahier de toile noire
    Elle avait noté son histoire
    Pour un inconnu qui la comprendrait
    Mais le temps qu'on le trouve et le lise
    Sa petite écriture grise
    S'est effacée avec son secret
    
    Elle était veuve dit-on
    D'un médecin du canton
    Unanimement aimé
    Elle en parlait rarement
    Mais sur sa tombe elle allait
    Chaque soir depuis dix ans
    
    Dans un un cahier de toile noire
    Avec des images dérisoires
    Elle avait voulu peindre leur amour
    Il en reste quelques fleurs séchées
    Une larme délavée
    Le reste est mort pour toujours
    
    Elle était belle dit-on
    Lui était fidèle et bon
    Et banalement heureux
    On ne les remarquait pas
    Maintenant qu'ils ne sont plus là
    On voit qu'ils nous manquent un peu
    
    Dans le vieux cahier de toile noire
    J'ai voulu lire leur histoire
    Comprendre leur bonheur discret
    Mais le temps qu'on le trouve et le lise
    La petite écriture grise
    S'est effacée avec leur secret
UN PAS DE PLUS
    A l'hôpital Ste-Marguerite,
    ton cœur bat de moins en moins vite.
    Je lis des mots dans ton regard, des mots
    
    Certains ne veulent pas les comprendre
    Et moi je suis seule à entendre
    Ces mots que tu voudrais crier tout haut
    
    Dis-leur que je suis prêt
    Je pars vers l'inconnu
    Aide-moi, aide-moi
    A faire un pas de plus
    
    A l'hôpital Ste-Marguerite,
    Je vois ta douleur et j'hésite.
    La loi dit non, qu'est-ce qu'elle comprend la loi ?
    
    Finir ta vie d'un simple geste
    Geste d'amour que je déteste
    Dois-je obéir quand tu me dis tout bas
    
    Dis-leur que j'ai si mal
    Dis-leur que j'en peux plus
    Notre amour n'y peut rien
    Et moi je suis perdu
    
    Dis-leur que je suis prêt
    Je pars vers l'inconnu
    Aide-moi, aide-moi
    A faire un pas de plus
    
    A l'hôpital Ste-Marguerite,
    la décision est interdite
    Mais je ne dois penser qu'à toi, qu'à toi
    
    Si tu me dictais ma conduite
    Ce serait ma dernière visite,
    Et je n'entendrais plus jamais ta voix
    
    Je sais que tu as mal
    Je sais que t'en peux plus
    Notre amour n'y peut rien
    Et toi tu es perdu
    
    Je sais tu es prêt
    à faire un pas de plus,
    un dernier pas sans moi,
    un pas vers l'inconnu
    Un pas.
J'AI LA CLEF
    C'est vrai que j'étais un peu en retard
    Les hommes aiment bien les femmes en retard
    Je suis entrée dans le café
    Que l'agence m'avait indiqué
    Il m'attendait au bout du bar
    Recroquevillé dans son costard
    L'annonce parlait d'un hidalgo
    J'avais dû me tromper de bistrot
    Allons, tant pis, je cours ma chance
    Car il y a si peu d'hommes en France
    
    J'ai la clef, j'ai l'argent, j'ai l' sourire
    Venez chez moi, j'ai quelque chose à vous dire
    J'ai l' porto, j'ai l' phono, j'ai les draps
    J'ai quelque chose à vous dire, venez chez moi
    J'ai l' parfum, j'ai l' satin, j'ai les roses
    J'ai l'adresse de l'agence "Vie en Rose"
    Dans le fond de mon cœur
    J' vous attends depuis toujours
    Et particulièrement depuis quinze jours
    
    La seconde fois, j'étais en avance
    Après l'engueulade de l'agence
    Je m' suis assise dans le square
    Mais le nouveau était en retard
    Quand il a enjambé la grille
    J'ai cru voir venir un gorille
    Il m'a dit "Bonjour Mademoiselle"
    C'est pas un cheveu, c'est une ficelle
    Qu'il a sur la langue mais tant pis
    Il y a si peu d'hommes, aujourd'hui
    
    J'ai la clef, j'ai l'argent, j'ai le sourire
    Venez chez moi, j'ai quelque chose à vous dire
    J'ai l' porto, j'ai l' phono, j'ai les draps
    J'ai quelque chose à vous dire, venez chez moi
    J'ai l' parfum, j'ai l' satin, j'ai les roses
    Les promesses de l'agence "Vie en Rose"
    Dans le fond de mon cœur
    J' vous attends depuis toujours
    Et particulièrement depuis quinze jours
    
    Cette agence m'a coûté si cher
    Que j'ai eu besoin de me refaire
    Quand on se retrouve sans le sou
    On organise ses rendez-vous
    J'ai trouvé un endroit sympa
    Entre Madeleine et l'Opéra
    Tous les quarts d'heure, au même étage
    Les hommes me demandent en mariage
    Il n'y a plus l'agence à déduire
    Et les bonshommes ne sont pas pires
    
    J'ai la clef, tu as l'argent ? J'ai l' sourire
    Viens chez moi, j'ai quelque chose à te dire
    J'ai l' porto, j'ai l' phono, j'ai les draps
    J'ai quelque chose à te dire, viens chez moi
    J'ai l' parfum, j'ai l' satin, j'ai les roses
    Et toi, tu as bien aussi quelque chose
    Tu as l' physique, tu as l'allure
    Tu as le chic, tu as l'élan
    Et j' suis sûre que tu as aussi cinq cent francs
SUR UN VOLCAN
    Le monde est une apocalypse
    Que reste-t-il de nos espoirs
    Quand toutes les valeurs s'éclipsent
    On s'habille en noir on s'habille en noir
    Il nous reste cette élégance
    Maquillons notre désespoir
    Et sur un volcan si l'on danse
    Dansons en vêtements du soir
    Et sur un volcan si l'on danse
    Dansons en vêtements du soir
    
    Comment s'habiller être à la mode
    Pour aller danser c'est pas commode
    Car sur un volcan car sur un volcan
    Il faut rester chic c'est important
    Car sur un volcan car sur un volcan
    Il faut rester chic c'est important
    
    Toi qui entends tomber la foudre
    Que reste-t-il de nos étés
    Toi qui entends parler la poudre
    Mets-en sur ton nez mets-en sur ton nez
    Quand les terreurs de toutes sortes
    Bouclent les portes du bonheur
    Prends sur toi il faut que tu sortes
    Déguise vaillamment ta peur
    
    Comment s'habiller être à la page
    Du rouge et du noir faire un mariage
    Car sur un volcan car sur un volcan
    Il faut rester chic c'est important
    Car sur un volcan car sur un volcan
    Il faut rester chic c'est important
    
    Prisonnière, gratte un peu le plâtre
    Dans ton cachot de la muraille
    Ça donne un joli ton bleuâtre
    Pourvu que ça t'aille pourvu que ça t'aille
    Frivolité pauvre déesse
    Dont on a tellement médit
    Tu es la seule qu'il nous reste
    Tu es le courage aujourd'hui
    Tu es la seule qu'il nous reste
    Tu es le courage aujourd'hui
A L'IMPARFAIT
    [Refrain:]
    Tu parles déjà de moi à l'imparfait
    Il conjuguait nos noms, l'été dernier
    Mon Dieu, que c'est amer d'y repenser !
    Le soleil de l'hiver me voit pleurer
    
    "L'amour est sans limite" me disais-tu
    Et pourtant tu me quittes, je ne sais plus
    Tu dis à tes amis qu'ils ne sont plus les miens
    On est restés copains. Moi, ça n' me dit rien
    
    Je n'ai pas su t'aimer comme il fallait
    Tu as croisé ma route juste un été
    Maintenant je redoute ma vérité
    Il faut faire black-out sur le passé
    
    [Refrain]
    
    Tout se divise par deux en théorie
    L'infini est un tout qui se finit
    Ta force me soutenait, j'étais docile avant
    Seule, je vais le rester, je crois, dorénavant
    
    Tu parles déjà de moi à l'imparfait
    Il conjuguait nos noms, l'été dernier
    Mon Dieu, que c'est amer d'y repenser !
    Le soleil d'un été a tout brûlé
LA BRINVILLIERS
    J'aimais tellement la campagne
    Que j'y voulais vivre en rêvant
    Dans le confort qui accompagne
    Ses champêtres amusements
    Mon père n'eut pas la largesse
    De m'offrir un manoir aux champs
    Mon époux n'eut pas la sagesse
    De m'en faire un jour le présent
    L'idée de l'arsenic me vint
    Tout en jouant du clavecin
    
    [Refrain:]
    J'aime les moutons dans la prairie
    J'aime les moutons enrubannés
    J'aime les moutons quand ils sourient
    Si sensibles sont les Brinvilliers
    
    Pour m'offrir mon rêve bucolique
    J'empoisonnai mes petits fours
    Mon époux en eut la colique
    Puis mon père l'eut à son tour
    À cause d'un certain droit d'aînesse
    Mon frère héritait aussitôt
    Poursuivant mon but sans faiblesse
    Je lui fis présent d'un gâteau
    Il eut la plus douce des fins
    En écoutant mon clavecin
    
    [Refrain]
    
    Maintenant chacun me condamne
    Et l'on me veut décapiter
    Pour les dernières frangipanes
    Qu'à mes neveux j'avais données
    Je ne comprends pas notre époque
    Moi, Marquise de Brinvilliers
    Me blâmer pour une bicoque
    Un caprice sans gravité
    Et le bourreau vient me chercher
    En fredonnant ce grand succès
    
    J'aime les moutons dans la prairie
    J'aime les moutons enrubannés
    J'aime les moutons quand ils sourient
    Si sensibles sont les Brinvi...
QUAND NOUS SERONS AMIS
    Quand nous partirons en week-end
    Pour Deauville ou Saint-Tropez
    Ce sera sans nous disputer
    Oui ce sera sans nous disputer
    
    Nous nous rejoindrons le matin
    Moi sans rimmel toi pas rasé
    Et nous nous sentirons bien
    Oui et nous nous sentirons bien
    
    Quand tout ira bien, quand nous serons amis
    Sans plus de mensonges, sans plus de jalousie
    Sans plus de colères
    Sans plus de mystères
    Notre amour sera fini
    
    Achetant des livres sur le quai
    Politiques ou policiers
    Ce sera sans nous disputer
    
    Nous nous quitterons dans un bar
    Moi couche tôt, toi très nuitard
    Et nous dirons quelle bonne soirée
    Et nous dirons quelle bonne soirée
    
    Nous nous rencontrerons parfois
    Accompagnés comme il se doit
    Ce sera sans nous saluer
    Oui ce sera sans nous saluer
    Mais de loin, même au restaurant
    Nous sourirons discrètement
    Nous serons complices un moment
    Oui nous serons complices un moment
    
    Quand tout ira bien, quand nous serons amis
    Qu'on se dira tout, quand tout sera permis
    Qu'enfin la confiance
    Qu'enfin l'indulgence
    Notre amour sera fini
BERLIN DES ANNÉES VINGT
    Berlin des années vingt
    Quel est le devin
    Qui aurait prédit
    Ce que tu devins?
    Cette nuit dingue
    Perdant ses fringues
    Pour vendre sa peau
    À la nuit des longs couteaux
    
    Les femmes avaient des cravates
    Et tous les hommes étaient maquillés
    On voyait des acrobates
    Et ils étaient déséquilibrés
    On buvait de la fumée
    Comme on fumait des idées
    Pianos déglingués
    Rythmant des baisers
    Dépourvus d'identité
    
    Berlin des années vingt
    Quel est le devin
    Qui aurait prédit
    Ce que tu devins?
    Putain frigide
    Couleur suicide
    Tu faisais ton lit
    Sur un manteau vert-de-gris
    
    Les artistes et les banquiers
    Les chauffeurs de taxi, les clochards
    Buvaient dans le même verre
    L'alcool facile du désespoir
    Sur les vitres la buée
    Laissait l'avenir caché
    Chanteuse d'un soir
    Tu n'as pas su voir
    Plus loin que le coin du bar
    
    Berlin des années vingt
    Qui donc se souvient?
OU EST-CE QU'ON LES ENTERRE ?
    Deux-cent vingt-trois épouses parfaites
    Trois-cent seize maris dévoués
    Et quant aux bonnes mères
    Aux excellents pères
    On ne peut même pas les compter
    Cent quarante députés honnêtes
    Deux-cent treize excellents voisins
    Dans les cimetières
    Y'a qu'à lire les pierres
    Ce sont tous de petits saints
    
    Mais où est-ce qu'on les enterre ceux qui sont méchants
    Qui faisaient pleurer leurs mères battaient leurs enfants
    Les antipathiques tous les renfrognés
    Que personne n'a jamais jamais regretté
    Mais où est-ce qu'on les enterre les vilains râleurs
    Les huissiers et les belles-mères et les percepteurs
    Les grippe-sous notoires et les créanciers
    Que personne n'a jamais jamais jamais regretté
    
    Soixante-quinze plus que centenaires
    Qui n'ont jamais ni bu ni fumé
    Quarante hommes d'affaires
    Que leurs actionnaires ont tenu à remercier
    Six douzaines de chastes comédiennes
    Qui vivaient pour l'art et la beauté
    Dans les cimetières
    Y'a qu'à lire les pierres
    Ils seront tous canonisés
    
    Mais où est-ce qu'on les enterre ceux qui sont méchants
    Les maquereaux et les mégères tous les médisants
    Ceux qu'on croise très vite dans les escaliers
    Que personne n'a jamais jamais jamais regretté
    Mais où est-ce qu'on les enterre les vilains gagas
    Qui vous parlent des heures entières de leurs estomacs
    Les envieux chroniques et les constipés
    Que personne n'a jamais jamais jamais regretté
    
    Mais où est-ce qu'on les enterre les gens des guichets
    Qui se servent d'un formulaire pour vous torturer
    Tyrans minuscules petits chefs ratés
    Que personne n'a jamais jamais jamais regretté
    Mais où est-ce qu'on les enterre ceux qui sont méchants
    Qui faisaient pleurer leur mère battaient leurs enfants
    Les antipathiques tous les renfrognés
    Que personne n'a jamais jamais jamais regretté
    Que personne n'a jamais jamais jamais regretté
L'ENFANT ET LA MOUCHE
    Seul il joue au jardin
    Il est insouciant
    Ce n'est qu'un enfant
    Il s'élance en courant
    Referme la main
    La mouche est dedans
    Il joue il rit
    La mouche est à lui
    Et il lui arrache les ailes
    Il est si petit
    
    Toi qui lis les journaux
    Qui a des idées
    Sais-tu regarder
    Ces choses qui sont si naturelles
    Qu'on oublie souvent qu'elles sont cruelles
    
    Dans le grand camion noir
    Les chevaux finis ont déjà compris
    C'est vers les abattoirs
    Que l'homme insouciant les mène ce soir
    C'est son métier
    Il n'est pas méchant
    Mais il frappe il crie
    En les poussant dans la nuit
    
    Toi qui veux la justice
    Et qu'elle se bâtisse
    Dans tous les pays
    Ces choses qui sont si naturelles
    Vois-tu seulement combien c'est pareil
    
    Le chômeur humilié
    Et qu'on ne plaint pas
    Tant qu'il peut manger
    Le prisonnier perdu
    Par des mots savants
    Qu'il ne comprend plus
    On a pitié on en parle un peu
    Et ça nous rassure
    On veut croire que ça va mieux
    
    Ce cri d'enfant battu
    On l'a entendu
    Mais on n'a rien dit
    Ce vieux dans un couloir
    Sur de vieux journaux
    Qui a peur du noir
    Ils sont si près
    Qu'on ne les voit pas
    Et on s'en va
    Pour pleurer au cinéma
    
    C'est une même guerre
    Une même misère
    On les voit partout
    Ces choses qui sont si naturelles
    Qu'on oublie souvent qu'elles sont cruelles
    
    Seul il joue au jardin
    Il est insouciant
    Ce n'est qu'un enfant
    Il s'élance en courant
    Referme la main
    La mouche est dedans
    Il joue il rit
    La mouche est à lui
    Et il lui arrache les ailes
    il est si petit
VIEILLE
    Elles vont trottant de boutique en boutique en bavardant
    Elles n'ont jamais peur de perdre leur temps
    Devant l'église elles s'arrêtent sans entrer
    Parce qu'elles n'ont plus rien à demander
    Elles sont émues par un chat un bébé
    Les vieilles dames à qui je veux ressembler
    
    Je ne sais pas comment elles font pour tricoter le temps
    Pour tricoter tous leurs anciens tourments
    Un jour ont-elles été jeunes et jolies
    Ont-elles espéré un pas dans la nuit
    Ouvert une lettre qui a tout détruit
    Ont-elles pleuré comme je pleurs aujourd'hui
    
    Vieille
    Si déjà je pouvais être vieille
    Pour qu'enfin ma douleur s’en sommeille
    Vieille
    Pour que le vent de la nuit balaye
    Les soucis les erreurs de la veille
    Vieille
    C'est vers le soir que l'on s'émerveille
    Mais je n'en suis encore qu'à midi
    
    Elles vont trottant de mémoire en méprise en évoquant
    Ce qu'elles ont vu ce qu'elles croient être vrai
    À l'heure du thé elles peuvent bien inventer
    Y'a plus personne pour le leur reprocher
    Est-ce que leurs mains un jour ont caressé
    D'autres vivants que le chat dans l'entrée
    
    Je ne sais pas si elles portent un masque sur le secret
    Ou si elles ont vraiment tout oublié
    Il n'y a plus d'histoire à déchiffrer
    Sur ces visages où tout s'est efface
    Sur mon visage que lira-t-on demain
    Peut-on garder l'amour sans le chagrin
    
    Vieille
    Si déjà je pouvais être vieille
    Pour qu'enfin ma douleur s'en sommeille
    Vieille
    Pour que le vent de la nuit balaye
    Les soucis les erreurs de la veille
    Vieille
    C'est vers le soir que l'on s'émerveille
    Mais je n'en suis encore qu'à midi
CLASSÉE X
    Moi quand j'étais ouvreuse à l'Eldorado
    J'allumais les messieurs avec mon faisceau
    Les puceaux
    Les vieux beaux
    Pas question d'faire dodo
    Le programme était hard à l'Eldorado
    Mais pas seul'ment les films
    Bien qu'ils soient porno
    Moi dans l'noir
    Du prom'noir
    J'augmentais mes pourboires
    
    Je me donnais en chair et en os
    Un soir à Sodome, un autre à Lesbos
    Mon corps était sans domicile fixe
    J'étais la seule ouvreuse classée X
    
    Avec ma lampe de poche et mes talons hauts
    Je jouais Satyricon et même Histoire d'O
    Mes séances
    D'indécence
    C'était l'Empire des sens
    Et puis l'Eldorado devint une piscine
    Je dus changer d'emploi
    Sauf dans les cabines
    Car l'patron
    Pas mesquin
    M'a tout d'suite mise dans l'bain
    
    Je suis employée municipale
    Je me donne du mal
    Tell'ment, tell'ment d'mâles
    Qu'on parle de moi sur tous les plongeoirs
    Il est classée X, mon coup d'nageoire
SANS POUVOIR SE DIRE AU REVOIR
    Il m'arrive encore si je suis seule
    De souffrir un petit peu
    L'envie de te voir de parler
    Quand je pense à nous deux
    Je voudrais faire le chemin à l'envers
    Avec ce que j'ai découvert
    Qui tu es qui je suis
    Et ce que nous aurions pu en faire
    
    Tu m'appelles encore quelque fois
    Pour avoir des nouvelles
    Il y a des silences qui nous gênent
    Parce qu'ils nous rappellent
    Tout ce qu'on a laissé mourir
    Tout ce qui fait peur qui fait fuir
    Plus loin que le plaisir
    Les je t'aime que l'on n'a pas pu dire
    
    Sans vraiment pouvoir se dire au revoir
    Sans vraiment non plus garder l'espoir
    On se fait croire qu'on oublie
    Qu'on a d'autres envies
    Que c'est la vie
    Et quand on a compris
    Et qu'on se ressaisit
    C'est fini
    
    Sans jamais partir sans bouger
    On laisse filer les jours
    Sans jamais se dire que l'on s'aime
    On laisse filer l'amour
    Quand on ne peut plus s'embrasser
    Quand on ne peut plus se toucher
    On veut recommencer
    On se réveille y'a personne à côté
    
    Sans vraiment pouvoir se dire au revoir
    Sans vraiment non plus garder l'espoir
    On se fait croire qu'on oublie
    Qu'on a d'autres envies
    Que c'est la vie
    Et quand on a compris
    Et qu'on se ressaisit
    C'est fini
    
    Bientôt j'oublierai les images
    Que je croyais à moi
    Et je donnerai de nouveau
    Ce qui n'était qu'à toi
    Alors tu voudras revenir
    Partager mes éclats de rire
    Mais tout sera trop tard
    Je serai sur un nouveau départ
    Mais tout sera trop tard
    Je dirai je t'aimais mais je pars
UNE AUTRE LUMIÈRE
    Tu aurais dû attendre un peu
    Avant de partir
    Que l'on se connaisse un peu mieux
    Le temps de se dire
    Des choses qui ne servent à rien
    Mais qui font rêver
    Quelques mots dont on a besoin
    Pour voir chanter
    
    "Rappelle-toi Barbara"
    Nous a dit Prévert
    Le soleil de ta voix
    N'aura pas d'hiver
    
    Ta folie, ta vivacité
    Aidaient notre vie
    Et ta voix même un peu cassée
    Comme elle manque ici!...
    Vêtue de noir pour l'extérieur
    Tu virevoltais
    Tout était blanc à l'intérieur
    Mais tu le cachais
    
    "Rappelle-toi Barbara"
    Nous a dit Prévert
    Le soleil de ta voix
    N'aura pas d'hiver
    
    Aujourd'hui loin des projecteurs
    Une autre lumière
    Enveloppe ton âme et ton cœur
    Plus fort et plus clair
    Et ces mots que tu as chantés:
    "Donne-moi la main"
    Je les envoie sans m'arrêter
    Ça me fait du bien
    
    Comme toi je ne sais pas dire "je t'aime"
    Mais à ma façon
    J'ai voulu te le dire quand même
    Dans une chanson
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