JE RÊVE

Je rêve que la salle est vide
Que je suis livide
Devant le trou noir
Je rêve que je suis aphone
Que le sax détonne
Je perds la mémoire

Je rêve : l'orchestre déraille
Et moi je défaille
Je demande un cognac
Je rêve, mais est-ce que je rêve
Ou est-ce que je crève ?
Je crève de trac

Je rêve, je me paralyse
C'est le trou, la crise
Adieu, music-hall
Je rêve : ma gorge me serre
Ma robe me serre
Je perds la parole

Je rêve que je prends la fuite
Je me discrédite
Finie, Marie-Paule

Je rêve : je vois apparaître
Une et puis deux têtes
Dans le grand trou noir
Je rêve : je me sens revivre
Voilà qu'ils arrivent
Par les promenoirs

Je rêve qu'ils sont deux cent mille
C'est toute la ville
Que j'ai sur le dos
Je rêve, c'est comme un déluge
Mon piano-refuge
Me sert de radeau

Je rêve que je suis chanteuse
Que j'en suis heureuse
Ça va crescendo
Je rêve, mais est-ce que je rêve
Ou est-ce que je crève
Tout juste avant l'heure ?

Ou j'ouvre mes yeux sur la houle
Mes yeux sur la foule
Qui me faisait peur
Je chante pour un seul sourire
Un cœur qui soupire
Une joie qui demeure
Je chante, je rêve

L'AMÉRIQUE C'EST ÇA

Adieu l'Italie
Napoli, c'est fini
Le bateau est plein
D'émigrants siciliens
La mama, on t'enverra
Des cartes postales de Chicago
De chez ton cousin Luciano
T'en fais pas
On sera riche bientôt

[Refrain:]
L'Amérique, l'Amérique, c'est ça
Des Ritals qui parlent mal
Des Indiens qui parlent pas bien
Des Chinois qui parlent pas
Des gens qui ne se comprennent pas
Mais qui sont tous au moins
Américains

L'Allemagne, la Russie
Varsovie, c'est fini
Hollywood boulevard
Plein de vieillards bavards
De Königsberg ou d'Odessa
Il y a cinquante ans de ça
Ils ont fait tout le tour du monde
Pour échapper aux hécatombes

L'Amérique, l'Amérique, c'est ça
C'est un quartier de Pékin
Une banlieue de Dublin
Où l'on pose sa valise
Croyant que c'est la terre promise
Des Africains, Portoricains
Américains

[Refrain, ad lib]

L'IMPROMPTU DE SCHUBERT

Quand ma mère jouait pour moi les impromptus de Schubert
Il lui arrivait souvent d' faire un accord à l'envers
Alors, elle riait, honteuse
En disant "Je n'ai plus les doigts d'avant"
Quant à moi, j'étais heureuse
Ce qui importe c'est l'instant présent

Quand elle quittait sa cuisine, le tablier sous les seins
Si j'étais d'humeur chagrine, j'en oubliais mes chagrins
Alors quelquefois, pour rire
On jouait ensemble à quatre mains
Quand j'y pense, je peux dire
Que c'était faux mais que c'était bien

Alors, j'esquintais Schubert et ma mère me grondait, j'aimais ça
Le jazz était déjà en moi et ma mère ne comprenait pas
Repartant dans sa cuisine
Elle me laissait avec cet air-là
Dans l'odeur des aubergines

Et quand je jouerai pour toi les impromptus de Schubert
Il m'arrivera souvent de faire un accord à l'envers
Toi, ma toute petite fille
Qui n'atteint pas encore le clavier
Tu ignores la mélodie
Tu l'ignores encore mais je t'apprendrai

Et quand je jouerai Schubert en m'appliquant de mon mieux
Je verrai sur ton visage un grand sourire malicieux
Tu entendras mes fausses notes
Mais ce que je souhaite aujourd'hui
Comme tu ne seras pas sotte
C'est que mon amour, tu l'entendes aussi

SOUCI

Le nom de mon amour est celui d'une fleur :
Souci
J'en garde l'amertume autant que la douceur
Aussi

Un amour murmurant, une source de mots maladroits
Un amour qui se tait, un silence espérant une voix
Au soleil levant
La chanson du vent
Qui passe en me fuyant

Elle avait la couleur du soleil cette fleur
Souci
Le soleil s'est caché, s'effacent les couleurs
Aussi

Un amour mal armé
Un amour mal aimé
Mal armé, mal aimé, malaisé, maléfique

Le nom de mon chagrin est celui d'une fleur :
Souci
Si je le nomme ainsi, c'est un peu par pudeur
Aussi

Un chagrin de six sous si souvent, si souvent obsédant
Un souci qui s'en va, qui revient sans cesse et tout le temps
Au soleil couchant
Un nuage blanc
Qui passe tristement

On ne verra jamais plus d'herbe ni de fleurs
Ici
Il a tout dévoré, tout mangé dans mon cœur
Aussi

Un amour mal armé
Un amour mal aimé
Mal armé, mal aimé, malaisé, maléfique

Le nom de mon amour est celui d'une fleur :
Souci
Souci

COMPIÈGNE

Une si jolie petite ville
Bien installée au bout d'une forêt
Qui ne demandait rien aux autres que la paix
Un soir, mon père m'en a parlé

Une si jolie petite ville
Un coin de France en montant vers le Nord
D'où des millions de gens sont partis vers la mort
Un soir, mon père m'en a parlé

Tout est redevenu tranquille
Il y a longtemps qu'on les a oubliés
Ces convois de voyageurs pour l'éternité
Pourtant la gare n'a pas changé

Une si jolie petite ville
Où est la poste ? Un gamin te répond
C'est juste derrière le camp de concentration
Est-ce que c'est mal, est-ce que c'est bien
Que le gamin ne sache rien ?

PARIS, FAIS-TOI FAIRE UN LIFTING

Après le temps de la Commune
Après le temps des amis déchirés
C'est ton angoisse et ta rancune
Que tu chantais Paris
Mais tu chantais
Malgré toute ton amertume
Tu chantais Paris tu chantais

Paris pourquoi t'es si morose
Il faut toujours chanter les choses
Remonte sur le ring
Rajeunis ton feeling
Paris fais-toi faire un lifting

Pendant le temps de la Grande Guerre
Quand tu nommais le canon Grosse Bertha
C'est de ta peur de ta colère
Que tu riais Paris malgré toi
Malgré les morts la misère
Tu chantais Paris à pleine voix

Le temps des cerises légères
Mai 68 a repris ce refrain
Puis la France parut se taire
Tout changea le mois de mai revint
Seront-elles douces ou amères
Les cerises d'après-demain

Paris pourquoi t'es si morose
Il faut toujours chanter les choses
Remonte sur le ring
Rajeunis ton feeling
Paris fais-toi faire un lifting

Paris pourquoi t'es si morose
Il faut toujours chanter les choses
Remonte sur le ring
Rajeunis ton feeling
Paris fais-toi faire un lifting

MOUJIK RUSSE

Depuis que je travaille à La Villette
Dans une usine de faux caviar
Je suis Russe des pieds à la tête
Je rentre le soir beaucoup trop... tsar

J'empaquète
J'étiquette
L'esturgeon me paraît chic
Quand je rentre
Dans ma chambre
Je fais de la moujik
Ça m'enivre
Quand je livre
Mes boîtes à l'hôtel Savoy
Mais Padelou
Je bourre ma bouche
J'en ai ras le bol... choy
J'en ai ras le bol... choy

Et bien que je m'appelle Josiane
Et que mon mari s'appelle Bernard
Nos amours sont de venus tziganes
Moi je ne trouve pas ça... movar

Il badine
Il butine
Il m'arrache mes après-ski
Il me bascule
Il me bouscule
C'est extra... vinski
Je réclame
Je lui clame
Du caviar dans mon sandwich
Mais il me rosse
Il me cabosse
Il me rosse trop... povitch
Il me rosse trop... povitch

Ce n'était pas un Raspoutine
J'ai voulu quitter ce mec-là
Comme il préférait la sardine
J'ai chercher un bon avo... dka

Je suis libre
Et je vibre
Quand les hommes sont à mes genoux
Je me débride
Mais ça me ride
Ça me fait un moche cou
Mais qu'importe
Que je sorte
Même avec toute la marine
Que je m'use
Je m'amuse
Je bois un pot... temkin
Je bois un pot... temkin
Je bois un pot... temkin

LA VIE FACILE

BON POUR LA MÈRE, BON POUR L'ENFANT

Orchestration : William Sheller

Une robe de maman retouchée
Voilà mes dix-huit ans
Alors il ne fallait rien gaspiller
Bon pour la mère, bon pour l'enfant

Quand j'ai quitté ma chambre de jeune fille
J'ai cru avoir changé
A l'âge des dents de lait, de la petite souris
Ça je l'avais déjà pensé

Le temps recommence
Commence ma vie
Le temps recommence
Où vais-je aujourd'hui?

Une adresse, un bureau, engagée
Et va voir l'oncle Jean
On se demande vraiment ce qui a changé
Bon pour la mère, bon pour l'enfant

Avec des amis autour d'une guitare
On parle révolution
Est-ce qu'on est en avance ou en retard
Je n'écris plus à la maison

Le temps recommence
Commence ma vie
Le temps recommence
Où vais-je aujourd'hui?

J'ai cru à des idées, à des amis
J'ai cru ne croire à rien
Je ne me fâche plus quand maman dit:
Écoute-moi, c'est pour ton bien

J'ai changé de regard et d'amis
C'est doux, c'est amer
Et je marche à côté de ma vie
Bon pour l'enfant, bon pour la mère

Le temps recommence
Commence ma vie
Le temps recommence
Où vais-je aujourd'hui?

Article sur cette chanson ici

23 déc. 2017 Par Denys Laboutière Blog : Le blog de Denys Laboutière | Mediapart